5 projets londoniens de bâtiments communautaires pour l’éducation artistique

Depuis l’apparition de «l’artiste moderne»  à la fin du XIXe siècle, les pratiques artistiques collectives (incluant l’éducation artistique hors d’un contexte académique) et les collectifs d’artistes ont accéléré la diffusion d’idées d’avant garde. En tant que groupe social urbain, ils ont mis au défi le discours esthétique social et culturel contemporain.

Alors que le post-modernisme arrivait sur le devant de la scène de la société contemporaine, l’image de l’artiste, c’est-à-dire la manière dont l’artiste est perçu par la société, s’est détachée de la posture radicale d’avant-garde. Les pratiques artistiques collectives sont maintenant perçues comme des outils progressistes de cohésion sociale néolibérale, avec des facteurs tels que la participation à un musée présenté comme des mesures d’amélioration sociale.

Certains soulèvent que le cadre du néolibéralisme diminue l’émergence de processus créatifs réellement ouverts du fait de leur dépendance au marché et à l’efficience, c’est à dire la réalisation d’un programme de sociabilité visant à garantir le financement plutôt qu’une qualité artistique durable. La port de l’expérimentation et de l’échange artistique est fermé par des projets conçus pour des cibles et stratégiquement reproductives qui nuisent à l’originalité artistique.

Du fait de l’accès de plus en plus difficile financièrement à l’enseignement supérieur et aux espaces d’exhibition et de production, les  praticiens artistiques ont du trouver des stratégies alternatives pour soutenir des échanges de savoirs créatifs. Les technologies des média sociaux leur permettent dorénavant d’attirer des membres, des collaborateurs et des conseillers. Ces projets sont centrés sur l’enseignement, le programme de sociabilité demeure secondaire dans leur stratégie.

Voici cinq projets très différents et innovants situés à Londres, qui offrent des éléments éclairants sur l’éducation artistique alternative et ses effets positifs mettant en lien la communauté locale.

L‘Ecole d’échanges Croydon (Trade School Croydon)

Le projet de l’Ecole d’échanges (Trade School) a été créé à New York en 2010 en tant qu’espace d’apprentissage ouvert régi par l’échange des savoirs. Le projet a été introduit en Europe en 2011. Actuellement, une nouvelle école est en cours d’installation à Matthews Yard à Croydon, l’une des banlieues difficiles du sud de Londres, comme l’ont montré les émeutes de 2011.  A l’école d’échanges, chacun peut enseigner un sujet qui le passionne ou sur lequel il a des compétences et le partager avec la communauté. La classe devra payer avec une unité d’échange (comme la nourriture, des fournitures ou des conseils) demandée par l’enseignant. C’est un concept fort d’échange libre des savoirs et de cohésion sociale naturelle.

Zeitgeist Arts ProjectsNew Cross

Le projet de Zeitgeist Arts répond au besoin d’une éducation artistique abordable avec un accent mis sur le développement professionnel et le soutien critique aux artistes à toutes les étapes de leur carrière. Cette compagnie émergente propose une adhésion peu chère qui permet aux artistes de bénéficier d’un programme annuel de crits (séances de retours critiques), de séminaires, visites et séances de portofolio. «L’objectif du projet Zeitgeist Arts est de supporter, d’encourager et de faire évoluer les artistes, de créer des réseaux, de survivre, de s’épanouir et d’échanger».

La National Portrait Gallery, dernière visite

Chaque jeudi et vendredi soir, la NPG garde ses portes ouvertes pour une «dernière visite», un programme qui permet d’explorer la galerie après les heures de bureau et de participer à de nombreuses tables-rondes et classes de dessins tuteurées. L’accent est ici sur la gratuité et la régularité alors que de nombreuses autres institutions font payer des évènements similaires qui demeurent par ailleurs très rares. Ainsi la gallerie est devenue une sphère de rencontres ouvertes entre des professionnels, des étudiants et des visiteurs, entre autres.

L’Ecole grande ouverte, Hayward Gallery

L’Ecole grande ouverte  est une expérience inhabituelle d’apprentissage avec des cours répartis et dirigés par plus de 100 artistes de 40 pays différents. Le projet «scolaire» s’est déroulé de juin à juillet 2012, mettant en lien des artistes de renommée mondiale avec les communautés locales et des visiteurs, amenant un regard global sur le processus d’échanges artistiques. Ce projet reflète l’urgence de repenser l’éducation artistique et l’engagement communautaire dans ces temps d’austérité. Même en étant contraint par le cadre marketing du Southbank Centre «festival du monde», le projet a su conserver une ouverture à l’expérimentation artistique.

Q-Art London

Q-Art est un programme innovant qui met en lien des étudiants, des diplômés et des artistes autodidactes dans des crits mensuels et des expositions de fin d’année. Le concept est d’offrir une éducation artistique hors du contexte académique traditionnel, en introduisant une communauté de praticiens créatifs de diverses formations partageant de ce fait une expertise très large.  Les crits gratuits sont tenus dans différents campus d’écoles d’art londoniennes, connectant les praticiens avec différentes institutions artistiques et différents publics.

Perspectives:

Avec le débat sur les coupes budgétaires dans les arts, il est plausible que de plus en plus de professionnels artistiques émergents s’appuient sur des formations alternatives, montrant qu’ils ne sont pas esclaves du programme d’amélioration sociale. Plus encore, il y a urgence à réinventer l’encagement artisique, avec un focus sur la production de références culturelles sans contraintes de quota sociaux prédéterminés.


Silvie Jacobi est une artiste et un stratège culturel étudiant la géographie urbaine et les industries créatives au King’s College de Londres.

Images via Tade SchoolLaura Ashley and Indonesian Performance. Traduit de l’anglais par Elvire Bornand.

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