Nouveau mouvement dans la ville moderne : la réduction de l’espace routier

Les villes doivent redéfinir leur rapport avec l’automobile : les voitures et automobilistes doivent s’adapter aux villes, et non l’inverse. Cela ne signifie pas bannir complètement l’automobile, mais bien de rappeler aux conducteurs qu’ils entrent dans une ville à titre d’invités.

Dans Sustrans and Social Data en 2004, on estime qu’une voiture est essentielle pour environ un tiers des situations, comme lorsqu’il faut transporter des objets lourds et encombrants. L’aspect pratique de l’automobile fait donc en sorte qu’elle sera toujours présente sous une forme ou une autre.

Nous devons cependant commencer à se préoccuper de certains problèmes inhérents à un système de transport dominé par l’automobile. Les voitures prennent beaucoup d’espace même lorsqu’elles sont immobiles. Elles sont aussi dispendieuses; avant même de faire le plein, il faut en acheter une et ensuite payer les taxes et l’assurance.

Si une voiture n’est indispensable que pour un tiers des trajets, pourquoi vouloir en posséder une? Ne serait-il pas mieux d’utiliser un véhicule partagé et, par le fait même, avoir accès à une gamme de véhicules répondant aux besoins immédiats? Bien sûr que oui. Il n’est donc pas surprenant que les services de partage de véhicules et de paiement à l’utilisation représentent une industrie en pleine croissance.

Alors que l’ère de la voiture automobile privée tire à sa fin, celle du vélo ne fait que commencer. Le vélo représente le moyen de transport urbain privé par excellence : il prend peu de place, ne produit pratiquement aucune émission et il s’agit d’un sport social bon pour la santé, abordable et amusant.

Pour que les villes réalisent le plein potentiel du vélo comme moyen de transport public, elles doivent être attrayantes pour les cyclistes de tous âges et de toutes capacités. La mise en place des conditions idéales pour le cyclisme urbain requiert une réduction de la vitesse et du débit de circulation sur l’ensemble des voies routières et la construction de pistes cyclables là où ces facteurs demeurent assez élevés pour en justifier la nécessité.

L’espace routier dans les villes est une commodité précieuse et très controversée, mais il faut trouver le moyen de faire de la place au vélo et au transport en commun.

Le péage urbain à Londres et ailleurs s’est avéré très efficace dans la réduction du débit de circulation. La capacité routière qui en résulte peut alors servir à l’amélioration des conditions pour les piétons et cyclistes ainsi qu’à l’augmentation de la fiabilité du transport en commun.

Exhibition Road à Londres, récemment convertie en espace partagé

La réduction de l’espace routier dans les villes contribuera à redonner à la rue sa fonction première de lieu consacré autant à la population et ses activités qu’à la circulation. C’est un endroit complexe où il faut jongler avec les demandes conflictuelles des nombreux usagers. Dans de nombreux cas, la mobilité des véhicules motorisés est privilégiée aux dépends de ceux qui ne conduisent pas.

Les différents évènements qui requièrent la fermeture temporaire de rues, du formidable Playing Out Project à Bristol jusqu’à Ciclovia à Bogotá, imité à maintes reprises, jouent un rôle important dans la démonstration d’un nouveau futur urbain : un futur où les besoins des résidents, consommateurs et travailleurs sont placés devant ceux des automobilistes qui ne font que passer.

Les fermetures temporaires peuvent devenir permanentes avec le temps. Durant les dix derniers étés, à Paris, on a fermé une section de l’autoroute sur le bord de la Seine afin qu’elle puisse être convertie en une plage urbaine, la Paris-Plage. Il est maintenant prévu que 2,5 km de cette autoroute seront convertis de façon permanente en boulevard piéton.

Entre temps, la ville de New York réalise des projets pilotes de façon beaucoup plus rapide. Peinture, jardinières et bornes sont utilisées pour délimiter de nouveaux espaces publics et tester des projets potentiellement controversés qui ne verraient peut-être pas le jour autrement. Il est parfois préférable de demander pardon plutôt que de demander permission.

Toutes les idées et initiatives ci-haut (ainsi que celles qui n’ont pas été mentionnées, faute d’espace) doivent être regroupées dans une stratégie intégrée de transport durable. Trop souvent les politiques en matière de transport passent d’un projet à l’autre, et plusieurs exigent des investissements et infrastructures, sans vision cohérente sur l’utilité du système de transport en commun à long terme.

Les villes doivent regarder en arrière et en avant pour développer cette vision. Il est facile de tomber sous le charme des nouvelles technologies ou de se tourner les pouces en attendant une solution magique qui réglera nos problèmes, une voiture automatique par exemple, mais la majorité de ce qui est nécessaire pour établir un système de transport en commun durable existe déjà depuis longtemps.

Depuis les années 1960 et 1970, de nombreuses villes ont commencé à redéfinir leur rapport avec l’automobile, en particulier aux Pays-Bas et ailleurs en Europe du Nord. Un « nouveau mouvement » est déjà en marche, mais en raison du besoin urgent de s’attaquer aux répercussions sociales, économiques et environnementales de la dépendance automobile, il lui faut prendre de l’ampleur. La ville de Copenhague est en processus de transformation depuis 50 ans, mais il lui reste encore du chemin à faire. Les villes qui ne font que commencer ne peuvent se permettent ce luxe – elles n’ont pas une minute à perdre.

Les villes doivent se rapprocher le plus rapidement possible du but ultime : une ville où il fait bon vivre desservie par un réseau de transport flexible, qui aidera la ville à relever les défis liés aux changements climatiques et au pic pétrolier tout en améliorant la qualité de vie et en combattant les inégalités. Pour paraphraser un grand urbaniste, William H. Whyte, les villes doivent utiliser les systèmes de transports urbains pour faire valoir leur qualité de vie.


Bruce McVean est directeur du design intégré à Beyond Green et aussi fondateur de Movement for Liveable London.

Image via jpctalbot. Traduit de l’anglais par Jacinthe Garant.