Repenser la ville : Création d’une nouvelle plateforme des arts en 2013

C’est Oscar Wilde qui a popularisé la notion de « l’art pour l’art » à la fin du XIX siècle. Il commença par affirmer que « l’art est presqu’inutile » et que « l’art n’exprime jamais rien d’autre que lui-même ».  Alors que l’art n’émerge pas du néant déconnecté de références au monde contemporain, Wilde se rebella contre l’idée de son temps d’utiliser l’art pour promouvoir des valeurs morales, insistant sur le fait que la valeur de l’art devrait refléter l’univers de l’artiste plutôt que le monde dans lequel il vit.  Même si cette vue est fondée, notamment dans sa rébellion contre un art au service de la propagande, elle a aussi servi à alimenter une idéologie élitiste voulant que les artistes soient en quelque sorte coupés de la vie quotidienne.

Avançons dans le temps jusqu’à nos jours, il existe toujours de profonds éléments élitistes associés à l’art. Conservés dans des galeries et des musées, la plupart des œuvres d’art contemporaines ne parviennent pas jusqu’aux membres de la société, laissés livrés à eux-mêmes. Alors que ses idées sont souvent profondes et emplies de pertinence artistique, l’art n’existe souvent dans ce monde que pour un groupe choisi de la société, participant à l’aliénation des artistes extraits du monde les entourant.

Le concept de « la quête de l’art pour l’art » joue un rôle important dans le champ artistique, notamment au travers du mouvement actuel de coupures budgétaires, d’accroissement des inégalités économiques et d’une société « vrituelle » souvent déconnectée. Les artistes comme les structures artistiques éprouvent à la fois le désir et le besoin de se connecter à d’autres éléments hors de la sphère artistique d’une manière beaucoup plus heuristique. Les orchestres symphoniques jouent la 6ème de Beethoven tout en parcourant les trottoirs de la ville, les chanteurs d’opéra collaborent avec des musiciens de hip hop et des bâtiments abandonnés entiers sont transformés en espaces de travail artistique, défiant la manière dont nous percevons les arts et la manière dont l’art trouve sa place dans notre quotidien.

Les projets artistiques qui utilisent des espaces alternatifs favorisent la collaboration entre artistes et l’engagement auprès de groupes communautaires locaux permet de travailler ensemble sur des enjeux communs, déplaçant les arts, de la quête de l’art pour l’art, à une co-existence permettant une compréhension diversifiée et plus équitable de la place et du positionnement des arts. 21 Artists – mon projet artistique alternatif a été lancé à Chicago  et se déroule actuellement à Londres – se détournant d’un art vulgarisé permettant augrand public de comprendre ces prémisses; au contraire il présente l’art d’une manière différente amenant le travail dans un espace neutre et poussant les artistes à penser leur travail d’une nouvelle manière.

Un partenariat avec la nouvelle forme de l’organisation 3Space, l’incarnation londonienne de 21 Artists vise à changer l’espace intérieur d’un ancien tribunal vide au centre de Londres (voir ci-dessus) en 21 jours, le transformant en une plaque tournante de création artistique. Des artistes culinaires, des danseurs, des poètes, des peintres, des performeurs, des musiciens, des illustrateurs et des architectes se produiront tous les jours au sein du Blackfriars hub, un espace qui a déjà accueilli de nombreux groupes communautaires et solidaires et qui permet à 3Space d’utiliser ces locaux comme un espace de travail temporaire pour consolider son organisation.

Les artistes ayant été choisis et l’espace étant prêt, le projet a démarré le lundi 29 avril et se déroulera jusqu’au 17 mai avec une exposition finale le 21 mai. Les différents univers et motivations des artistes participants seront relatés par la dynamique de mixage des projets présentés et executés pendant ces 21 jours. Fondé sur l’objectif organisationnel de 3Space «  transformer un espace vide en opportunité », le thème de 21 artistes à Londres sera la transformation, chaque projet aura à transformer d’une façon ou d’une autre l’espace intérieur ou extérieur, ne se détournant pas pour autant de l’enjeu central de conserver des exigences artistiques élevées tout en se démarquant en même temps des conceptions traditionnelles des galeries, des musées, des studios ou des scènes de concert, tous ces espaces où l’art peut être fait, partagé et vécu. Les projets proposés par de nombreux artistes ne visent pas seulement à faire la démonstration de leur créativité mais également à trouver des moyens intéressants et innovants de connecter les arts aux autres, dont aux différents groupes communautaires londoniens.

Alors que le projet continue à être développé dans différentes villes, il s’adapte aux enjeux propres à ses partenaires et aux besoins spécifiques des communautés vivant dans les villes où se déroule le projet. Sans perdre son intégrité artistique ou créative, la vision pour 21 artists est de continuer à combler le fossé entre les arts et les espaces liés au changement social : empowerment communautaire, la regénération et le développement durable, travaillant constamment à trouver des moyens de déplacer l’art des critères des classes supérieures aux lieux qui touchent plus de monde d’une manière plus profonde et avec plus d’impact.

21 Artists: London est honoré de faire partie de 3Space’s Re:THINK Festival, qui se déroule du 1er  au 3 mai au Blackfriars Hub (photo ci-dessus).

Artistes participants à 21 Artists: London- Matthew Reynolds, Paul Harrison, Bettina Fung, Les Mechants, Adrian Mills, Francesco Benenato, Warren Fox, Gabriela Parra, Ali Zaidi, Sequin Kay, Daniel Campagne, Natalie Oliveri, Yolanda Mercy, Sarah Louise Kristiansen, Andi Schmeid, David Adjei, Pia Tuulia Cabble, Pablo Robertson, Laurie Nouchka, Poppy Green, Sara Dziadik, Andrea Rania, Charles Jean-Pierre & James Flowers.


Meg Peterson  est une artiste travaillant à Chicago et la directrice du projet 21 Artists. Pour en savoir plus sur 21 Artists, visiter leur websitepage Facebook  or Tumblr site.

Traduit de l’anglais par Elvire Bornand.