Technologie civique et participation mobile 2.0

Plus on lit au sujet de la fusion entre planification et technologie, plus les mêmes expressions reviennent: cybercitoyens, engagement civique, gouvernement 2.0, hacktivistes, etc. C’est en partie parce que nous lisons tous les mêmes blogs et suivons tous les mêmes entreprises pionnières. L’idée d’une participation numérique est assez nouvelle, et son impact, ses forces et ses faiblesses le sont également. Bien qu’il y ait déjà eu une première vague d’innovations sous la forme d’entreprises 1.0 s’appropriant un vaste éventail de technologies disponibles, seuls quelques noms familiers se détachent du lot.

Malheureusement pour certains (mais heureusement pour d’autres), notre connaissance du milieu ne durera pas. Récemment, les placements et parts de marché des technologies mobiles ont connu une croissance remarquable. En juillet 2008, l’App Store d’Apple comptait plus de 1000 applications. Quelques cinq ans plus tard, de récentes estimations dénombrent plus de 760 000 applications disponibles au téléchargement. Des prévisions de marché par Cisco Systems, une entreprise multinationale en technologie, estiment que le trafic mensuel de données mobiles sera 13 fois plus volumineux d’ici 2017. Le monde ne s’arrête pas au Web – les technologies mobiles gagnent de plus en plus en importance.

Travaillant depuis un incubateur d’entreprises à la Florida State University (FSU), The Town est un exemple de start-up promouvant la technologie civique 2.0. Elle vise à tirer profit de l’augmentation des usagers mobiles et à mettre au point des plateformes pour les gouvernements, les entreprises locales et les citoyens afin de leur permettre d’interagir où qu’ils soient. Selon Dominick Ard’is, jeune diplômé de la maîtrise en planification de la FSU et fondateur de The Town, il est logique de promouvoir les interactions mobiles. « Les citoyens ont souvent leurs meilleures idées civiques lorsqu’ils se déplacent dans la ville », dit-il. « Les gens changent, tout comme leurs attentes ».

En raison de ce changement rapide, les urbanistes doivent mettre moins d’accent sur le présent, puisque dans le monde des technologies, le présent est déjà chose du passé. Il s’agit de prendre en compte les besoins de la communauté qui demeurent constants en dépit des changements technologiques. Il faut également mettre en place un cadre décisionnel utile aux villes, tout en examinant la viabilité d’un investissement dans les technologies participatives.

Les premiers essais de participation mobile étaient bien attentionnés et avant-gardistes, mais Ard’is croit qu’il est temps d’initier une seconde vague d’innovations. « D’énormes progrès ont été réalisés, dit-il, mais nous avons encore du chemin à faire. Il nous faut encore comprendre clairement les besoins des usagers et la façon dont on peut les intégrer. Il n’est pas seulement question de contenus, mais aussi d’expériences ». Tout bon mécanisme d’évaluation des technologies d’engagement mobile devrait viser à créer une expérience effective au sens large. En voici une ébauche:

Fluidité

L’application peut-elle s’adapter en continu ou son contenu est-il statique? Un système secondaire de gestion de contenu doit être disponible, administré à l’interne ou par contrat et, surtout, mis à jour régulièrement. Les villes perdent leur audience captive quand leurs applications s’étiolent puisque les utilisateurs de téléphones portables recherchent un environnement perpétuellement neuf et dynamique. Prenez les fils d’actualités sur Facebook : ils engagent sans cesse l’utilisateur en affichant constamment de nouvelles informations.

Capacité de réaction

Les interactions ne peuvent être unilatérales. Les utilisateurs veulent une réponse, ils s’attendent à des réactions et conversations – autant virtuelles que réelles – qui reconnaissent leur contribution. Les villes doivent explorer sans cesse ce qui motive la mobilisation des usagers sur leurs plateformes mobiles. Prévoit-on des récompenses, des méthodes ludiques, ou encore des incitations autant tangibles qu’intangibles afin de pérenniser les interactions avec les usagers? La capacité de réaction concerne aussi l’objet et le produit de l’application même. L’application peut-elle évoluer en réponse aux réactions des citoyens et aux modes d’interaction? Les plateformes 2.0 doivent toujours être à l’affût de ces paramètres. Le système doit être bâti et géré de manière à ce que de nouveaux modules et usages puissent être programmés en réponse aux nouvelles attentes des utilisateurs.

Exhaustivité

La majeure partie des applications 1.0 sont à usage unique, et n’ont qu’un un seul projet ou objectif. Les villes qui veulent prendre les devants doivent se poser la question suivante: combien d’applications à usage unique peut-on s’attendre à ce qu’un usager télécharge? Pourquoi ne pas proposer un environnement intégré unique dans lequel l’usager retrouverait une multitude de fonctions, à l’image de l’expérience holistique que représente la vie citadine? La technologie mobile offre la possibilité d’être constamment en interaction, à l’opposé d’une communication ponctuelle liée à un projet unique. Cela permettrait de construire des interactions quotidiennes, et donc de créer une culture participative et civique active.

Design

Le design – la proposition la plus insaisissable de cet article – pourrait être également la plus importante. Les technologies mobiles 2.0 doivent fournir une interface unique, intuitive et attrayante si elles veulent se distinguer et captiver l’imagination et les aspirations civiques des utilisateurs. Puisqu’une application d’engagement mobile est une extension – de marque – de la ville qu’elle dessert, son design en est l’image et reflète son flair créatif. Les applications civiques doivent se battre pour l’attention des utilisateurs – et pas seulement contre les autres applications du même genre. Si on considère que les applications civiques entrent en compétition avec un large choix de plateformes visuelles, addictives et sollicitant le temps des usagers (comme Angry Birds!), alors l’importance du design prend tout son sens.

Pour des entreprises comme The Town et pour le domaine de la planification au sens large, le changement est devenu la norme. Notre capacité d’anticipation et d’adaptation est cruciale pour tirer partir des opportunité. Lorsqu’il est question d’engagement mobile 1.0, M. Ard’is croit qu’il « est facile de dire que tout s’est bien passé du point de vue du gouvernement, mais ce propos renvoie au peu d’attentes que nous avons de la part de nos dirigeants municipaux ». Nous possédons désormais un cadre nous aidant à définir ce que citoyens et usagers attendent de leur expérience mobile. Il est donc temps que nous attendions davantage de la technologie civique et de la participation mobile 2.0.


Traduit de l’anglais par Jacinthe Garant

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