Transformer Melbourne : les tours sont-elles la meilleure solution pour une ville en pleine croissance ?

La croissance de la population de Melbourne ne montre aucun signe de ralentissement. Des chiffres récents de l’Australian Bureau of Statistics (ABS) estiment que la ville pourrait accueillir jusqu’à près de 8 millions d’habitants d’ici 2053. Plan Melbourne, la stratégie urbaine de la métropole, reconnaît qu’il est nécessaire que les aires urbaines génèrent une part importante de nouveaux logements.

Les avantages de l’habitat compact et à densité accrue ont été largement démontrés. Absorber la croissance grâce à un bâti dense peut aider à réduire le besoin de circuler en voiture, favorise les transports en commun viables, et promeut des options de transport meilleures pour la santé telles que la marche et le vélo.

Plan Melbourne reconnaît que Melbourne a besoin d’aires urbaines plus denses. Les directives-clés de la stratégie envisagent de centrer la majeure partie de l’offre de logement et de transformation autour du centre-ville, des centres d’activités et d’autres zones de renouvellement urbain. Parallèlement, une limite de deux étages de hauteur sera imposée afin de protéger près de deux tiers des banlieues résidentielles existantes de Melbourne du développement par densification.

Les directives de Plan Melbourne s’appuient sur une approche qui cherche à maximiser le potentiel en matière de logement de terrains situés dans des zones bien desservies en aménités. Maximiser ce potentiel repose sur la livraison de logement quel qu’en soit le coût. Nous avons une crise de logement à résoudre, et de ce fait il faut que notre modèle d’urbanisme construise toujours plus de logements.

L’impératif de concentrer l’offre résidentielle au sein de quelques lieux définis engendre une pression à l’exploitation maximale de chaque espace disponible qui soit à proximité d’un arrêt de tramway ou d’un commerce. Peu d’attention est accordée à la capacité des infrastructures matérielles et sociales existantes à y faire face.

Le quartier de Forrest Hill à South Yarra est considéré comme un bastion du renouvellement urbain. L’ancien district industriel à faible densité a complètement changé au cours de la dernière décennie, et accueille aujourd’hui plus de 3000 personnes réparties entre 30 tours. La population devrait atteindre 7000 une fois l’ensemble de la phase de construction achevée.

Cependant, bien que les taux de développement atteints soient impressionnants, le renouvellement urbain est bien davantage qu’une simple affaire de nombre de logements. Le taux de construction de logement neuf a dépassé l’amélioration des infrastructures. Le gouvernement local, la Ville de Stonnington, continue à plaider en faveur de l’aménagement de la gare de South Yarra. Les sentiers piétons étriqués et les petites routes ont du mal à faire face au regain d’activités.

Il est essentiel de tirer parti des opportunités de développement au maximum. Cependant, il est aussi important de considérer d’autres facteurs afin d’optimiser le potentiel en logement. Un changement subtil mais important dans la façon dont on comprend et définit les opportunités de densification résidentielle est crucial.

La version la plus récente de London Plan met en avant une nouvelle approche en matière d’habitat, reposant sur l’optimisation du potentiel en logement. Optimiser – plutôt que maximiser – le potentiel en logement va au-delà de la prise en compte des caractéristiques des terrains individuels, et met en avant la façon dont les bâtiments s’insèrent dans leur contexte local, la qualité de l’habitat qui inclut le type et le mode d’occupation, et l’accessibilité par les transports en commun. Cette approche remet en cause le mythe selon lequel construire toujours plus haut est la seule stratégie possible pour qui souhaite accroître la densité résidentielle.

Un bâti urbain de hauteur moyenne peut permettre d’atteindre des densités résidentielles significatives. « Transforming Australian Cities » (2010), une étude commanditée par le Département de Transports Victorien et la Ville de Melbourne, montrait que la construction de bâtiments de quatre à huit étages le long de corridors de transports en commun pouvait transformer Melbourne. Elle démontrait aussi que la recherche de fortes densités ne requiert pas forcément de construire des tours :

Des villes comme Barcelone, avec 200 personnes par hectare, et plus récemment Malmö Bo01 en Suède, sont des exemples qui valent d’être analysés. (…) La densité de développement de 120 personnes par hectare équivaut environ à huit fois la densité urbaine typique en Australie. (…) Quant à Barcelone, l’existence de fortes densités dans un tissu urbain peu élevé déconstruit le mythe selon lequel de fortes densités rendent nécessaire la construction de tours.

La révision actuelle de Plan Melbourne ne propose pas de définition adéquate quant à ce que pourrait être un habitat adapté aux fortes densités. Ce manque de définition signifie que les débats sur la taille et la densité des bâtiments sont devenus de plus en plus emmêlés. Dans le secteur du développement, on continue à véhiculer une vision simplificatrice selon laquelle plus le bâtiment est haut, plus la densité est importante.

Bien sûr, les tours urbaines (ayant en général plus de 12 étages) ont toute leur place – particulièrement dans le centre-ville. Cependant, pour la majorité des centres urbains de Melbourne, des formes bâties de taille moyenne seraient adaptées. L’adéquation d’un bâtiment se résume à une poignée de paramètres perçus faciles à mesurer, tels que l’excès d’ombre pendant le solstice ou l’impact de couloirs de vue dans l’espace public.

La version révisée de Plan Melbourne représente une véritable opportunité pour recadrer le débat de la maximisation vers l’optimisation, et pour mettre l’accent sur la création d’espaces de qualité au lieu de se focaliser sur la taille des bâtiments. Cette stratégie révisée peut fournir des outils appropriés pour aider les autorités locales à créer des espaces de qualité :

  • Une vision pour nos centres d’activités et nos zones de renouvellement urbain –  une forme urbaine de hauteur moyenne est en train d’émerger dans nos centres d’activités et zones de renouvellement urbain à travers des plans d’aménagement locaux. Cependant, ce phénomène suit l’approche antagonique de celle qui caractérise le modèle d’urbanisme de Melbourne. Les promoteurs, les autorités locales et la communauté s’opposent les uns aux autres, et nul n’est satisfait. Une vision claire reposant sur la construction de bâtiments de taille moyenne (entre quatre et douze étages) permettrait aux autorités locales de mieux planifier leurs centralités. Cela pourrait également apaiser l’angoisse des habitants confrontés à la menace imminente des tours urbaines.
  • Directives en matière de densité urbaine Density guidelines – Un outil plus utile que la taille des bâtiments pour anticiper et planifier la croissance urbaine. Les directives de densité permettent de mesurer l’impact quantitatif du développement urbain, aidant ainsi les autorités à estimer la population future et anticiper la demande en infrastructure. Elles peuvent aussi aider les promoteurs en les rassurant sur le potentiel de développement de certains terrains, toute hausse de ce potentiel étant attribuée à l’aménagement des espaces publics et des infrastructures.
  • Une Zone à Usage Mixte réinterprétée – Augmenter la densité autour de centres d’activités et de hubs de transports n’est pas tout. L’aménagement de nos quartiers demande la création d’espaces dynamiques et à usage mixte. Cela va au-delà de la construction de logements. Toutefois, l’usage résidentiel domine bien souvent, ce qui signifie que la zone en question ne parvient généralement pas à atteindre ses objectifs. Les bâtiments qui sont décrétés « à usage mixte » contiennent en général peu ou pas d’espace à fonction commerciale au rez-de-chaussée, à l’exception d’un petit café.

La solution à la crise du logement doit voir au-delà  du nombre de logements construits, et se concentrer sur la création d’espaces urbains de qualité. Le succès de la théorie de la ville compacte encouragée par Plan Melbourne repose sur la promesse de quartiers où les gens auront envie de vivre. Cela ne peut aboutir que si les autorités locales peuvent compter sur les meilleurs outils disponibles.


Max Walton est un urbaniste et designer basé à Melbourne.

Image via Eddy MIifort. Traduit de l’anglais par Magda Maaoui

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